L’idée de ce texte est de regarder comment, et surtout à quel moment, se situe l’acte de création. Cette réflexion m’est venue lorsque je répétais la pièce Superpositions, de Carmelo Bene, dans le cadre d’un laboratoire théâtral. En effet, j’ai eu une remarque sur le mouvement de bascule, presque de chute, que devait avoir le personnage dès le début de la pièce ; cette bascule créait une tension, et c’était précisément cette tension que nous recherchions pour entrer dans le domaine dramatique et aussi dans la création. Cette question reste cependant assez proche des questions en rapport à l’art contemporain, puisqu’il s’agit de savoir à quel moment on peut considérer qu’il y a création : est-ce avant, ou bien après (peut-être même pendant) cette tension que la création artistique se produit.
J’ai écouté une conférence de Gilles Deleuze (qui préface d’ailleurs le texte de Carmelo Bene) intitulée “Qu’est-ce que l’acte de création ?”. Le philosophe souligne dans un premier temps que tout acte créatif débute par une idée que l’on a, et que cette même idée est lié à un mode d’expression donné. La conférence de Gilles Deleuze porte sur le cinéma, mais il est facile de la transposer à d’autres formes d’expressions : littérature, théâtre ou peinture par exemple. Cette idée vient d’une nécessité, d’une volonté de faire passer quelque chose ; c’est un besoin qu’éprouve l’artiste de s’exprimer avec ses propres moyens et son propre champ de création. Il souligne également, et c’est un point très intéressant, que la création n’est pas de la communication ; l’acte de création ne contient pas d’information, car cela n’est pas son but premier. Dès lors, cela peut justifier une partie de la création moderne et surtout la création dite contemporaine : il n’y a pas besoin d’avoir des références connues au sein de l’oeuvre pour que celle-ci soit considérée comme oeuvre. Au contraire, Deleuze montre ici qu’il n’y a pas de relation entre ce que contient l’oeuvre, et ce qu’elle dit. Au fond, une oeuvre peut ne rien raconter, et être considérée comme de l’art.